Le diabète est défini en France par une glycémie (le taux de sucre dans le sang) à jeun supérieure à 1,26 g/L à 2 reprises, mais peut être également diagnostiqué si la glycémie est supérieure à 2 g/L :

  • à n’importe quel moment de la journée en présence de symptômes comme la soif ou l’envie fréquente d’uriner
  • ou 2 heures après une prise orale d’une boisson à 75 g de glucose (l’équivalent de 15 morceaux de sucre)1.

Si les valeurs diagnostiques sont différentes suivant que la personne est à jeun ou non, c’est parce que la glycémie augmente physiologiquement après une prise alimentaire.

Quelle est l’évolution normale de la glycémie après le repas ? Qu’en est-il en cas de diabète ?

Chez les personnes sans diabète, la période postprandiale, qui correspond à la phase de digestion et d’absorption des glucides (leur passage dans le sang), s’accompagne d’une augmentation de la glycémie qui va être rapidement compensée par une augmentation importante de l’insuline fabriquée par le pancréas. Chez un sujet sain, la glycémie s’élève en quelques minutes dès le début de la prise alimentaire mais ne dépasse pas 1,40 g/L au maximum à 30 minutes, pour revenir autour de 1g/L en moins de deux heures.

Pour en savoir plus : https://www.diabete.fr/comprendre/hyperglycemie/variations-de-la-glycemie-sur-24-heures

Chez les personnes atteinte de diabète, l’insuline est soit absente (diabète de type 1 et diabète dit « pancréatique » ou « insulinopénique »), soit insuffisamment efficace (diabète de type 2 et diabète dit « insulinorésistant »). Il en résulte une augmentation plus importante de la glycémie, beaucoup plus évidente dans la période postprandiale pendant laquelle la glycémie dépassera 2 g/L ou plus, et pourra mettre plusieurs heures, 4 voire 6 heures à revenir à la valeur préprandiale. À une fréquence de 3 repas par jour, une personne diabétique va donc passer au minimum 12 heures, soit 50% du temps en hyperglycémie postprandiale.

Je suis diabétique : Quelle doit être ma glycémie postprandiale ? A quelle distance du repas ?

Il n’y a pas de consensus précisant l’objectif de la glycémie postprandiale, ni même à quel délai du début du repas elle doit être réalisée. Les recommandations américaines donnent une valeur maximale de 1,80 g/L au pic glycémique, soit entre 1 et 2 heures2. De façon pragmatique, cela dépend surtout de la  technique utilisée pour réaliser la glycémie.

Les personnes sans insuline ou sous insuline lente peuvent contrôler leur glycémie capillaire à 1 ou 2 heures au choix sans que cela ne pose de problème car la valeur obtenue ne sert que d’indicateur de l’équilibre glycémique. Il n’est d’ailleurs pas conseillé de la faire systématiquement, mais il est intéressant de la réaliser lorsque l’HbA1c dépasse l’objectif de 7% alors que la glycémie à jeun semble correcte c’est-à-dire régulièrement entre 0,8 et 1 g/L.

Il n’en est pas de même pour les personnes traitées par insuline rapide aux repas qui peuvent utiliser cette insuline rapide pour corriger une hyperglycémie postprandiale. Afin de réduire le risque d’hypoglycémie secondaire à la correction des hyperglycémies, il est conseillé de ne pas réinjecter dans les 3 heures qui suivent une première injection. Dans cette situation, le contrôle de la glycémie postprandiale à 1 ou 2 heures ne fera que rajouter un contrôle glycémique qu’il faudra également refaire à 3 heures pour pouvoir adapter la dose d’insuline si une réinjection est nécessaire. Ainsi, la plupart des patients sous ce type de traitement réalisent le contrôle glycémique postprandial à 3 heures afin de pouvoir corriger au besoin. La valeur à partir de laquelle le patient peut réinjecter est à définir au cas par cas et peut se situer entre 1,30 et 2 g/L suivant les objectifs glycémiques personnels, l’activité physique qui va suivre ou la dose d’insuline basale.

Les patients traités par pompe à insuline qui utilisent un assistant bolus qui tient compte de l’insuline « active » ou « résiduelle », c’est-à-dire l’insuline injectée qui a encore une action hypoglycémiante à venir, peuvent corriger plus tôt, à partir de 2 heures, et donc, contrôler leur glycémie postprandiale à 2 heures.

Enfin, les patients qui utilisent une mesure continue du glucose (MCG) voient les courbes postprandiales et le pic glycémique entre 30 minutes et 1 heure. Il est consensuel maintenant de dire que, dans l’idéal, la glycémie maximale ne doit pas dépasser 1,80 g/L et la qualité de l’équilibre glycémique est maintenant estimée par le pourcentage du temps passé en dessous de 1,80 g/L sans hypoglycémie. Il est important de préciser à ces patients que la valeur du pic n’est qu’informative et que toute intervention insulinique doit être repoussée d’au minimum 2 heures voire 3 heures par rapport à l’injection de début de repas.

Ces nouveaux systèmes de MCG sont très intéressants pour évaluer la glycémie postprandiale car ils fournissent des données exhaustives sans requérir de nombreux contrôles glycémiques au patient. Les personnes qui n’utilisent pas ce type de MCG au long cours peuvent cependant avoir recours à un système diagnostique sur 7 à 14 jours suivant les modèles, pour les aider dans leur choix thérapeutique.

La généralisation de l’utilisation des outils de MCG a permis aux médecins mais également aux patients de prendre conscience de ces pics hyperglycémiques postprandiaux et des facteurs qui pouvaient les influencer.

Influence du  contenu en glucides du repas

La quantité totale en glucides contenue dans un repas est un facteur important de l’hyperglycémie postprandiale et comprend aussi bien les glucides contenus dans les féculents, appelés encore glucides « complexes » : aliments contenant de la farine ou des céréales (pain, pâtes, riz…) que dans les sucres dits « rapides » ou « simples » : aliments contenant des fruits, du miel ou du sucre (confiture, gâteaux, jus de fruits….). Ce point est particulièrement important chez les personnes vivant avec un diabète de type 1 ou insulinopénique, chez qui la variation du contenu alimentaire en glucides impacte directement les glycémies postprandiales et constitue un facteur majeur de variabilité prandiale. A l’inverse, les périodes de jeûne, comme la deuxième partie de nuit (souvent entre 2 h et 7 h du matin) ou en cas de repas sauté ou d’absence de prise de petit-déjeuner, s’accompagnent souvent d’une stabilité glycémique qui contraste avec les pics prandiaux. Les patients présentant ce type de diabète insulinopénique doivent donc prendre en compte le contenu de leur repas en glucides afin qu’il soit en adéquation autant que possible avec la dose d’insuline prandiale réalisée.

Plusieurs stratégies sont alors possibles :

  • La personne peut opter pour des repas dont l’apport est régulier en glucides avec une dose d’insuline stable, en travaillant sur la notion d’équivalence glucidique pour remplacer les aliments entre eux (« je sais que je peux remplacer une ½ assiette de pâtes par ¼ de baguette »). Elle doit être vigilante à ce que la quantité globale de glucides soit à peu près constante.
  • A l’inverse, certains patients préfèreront varier les contenus alimentaires en glucides mais apprendre à adapter leur dose d’insuline rapide en fonction, en travaillant sur la notion du ratio insuline/glucide (« combien d’unité d’insuline pour 10 g de glucides ? ») et en apprenant à compter les glucides de leur repas. Cette méthode requiert de travailler avec des journaux alimentaires précis (photos des repas, poids des aliments) et de mettre en relation ces apports alimentaires avec la dose d’insuline réalisée et l’effet glycémique observé. Une fois maîtrisée, elle peut favoriser l’adaptabilité à des repas très variés. Cette méthode est préférée des patients qui utilisent une pompe avec la fonction assistant-bolus car le calcul mental de la dose est évité. Le ratio insuline/glucide étant saisi au préalable dans le système, les patients saisissent les glucides ingérés et la dose proposée s’affiche automatiquement.
  • Beaucoup de patients choisissent en fait une solution intermédiaire, que l’on pourrait qualifier de la technique « aliment-dose » qui consiste à évaluer la quantité d’insuline à injecter pour chaque portion d’aliment ingéré. Elle s’acquiert par l’expérimentation du patient qui ne raisonne pas en gramme de glucides mais qui sera cependant à l’aise pour varier les quantités et le type d’aliment, en fonction de la richesse de son expérience. Elle requiert également un travail à partir d’un journal alimentaire pour mettre en relation l’aliment et l’effet glycémique.
  • D’autres personnes seront tentées de réduire le contenu de leur alimentation en glucides afin de limiter l’hyperglycémie qui en résulte. Une telle attitude peut se concevoir à partir du moment où la personne ne se sent pas contrainte et frustrée par ce choix, et qu’elle sent que cela lui convient. En effet, une frustration alimentaire chronique impacte la qualité de vie et peut parfois aboutir à l’effet inverse en engendrant une spirale de « craquages »/culpabilité/ dévalorisation/sentiment d’échec, et être source d’aggravation, voire même de déclenchement, de troubles du comportement alimentaire pouvant s’apparenter à de la boulimie. La restriction glucidique peut également parfois s’accompagner d’une augmentation de l’apport en graisses, ce qui ne sera pas forcément favorable sur le plan du risque cardiovasculaire, ni sur le poids.

Influence de l’index glycémique du repas

Les patients rapportent que pour une même quantité de glucides, le pic glycémique peut varier suivant le type d’aliment glucidique. Ce constat soulève la notion d’index glycémique qui qualifie le pouvoir hyperglycémiant d’une portion d’aliment qui renferme le même poids de glucides. Ainsi, parmi les féculents, ceux qui contiennent les céréales les plus raffinées comme la baguette blanche ou les galettes de riz soufflé, mais aussi les pommes de terre, ont un index glycémique plus élevé que les fruits par exemple, alors que les produits à base de céréales complètes auront un index glycémique, et donc un pouvoir hyperglycémiant pour une même quantité de glucide, plus faible.

Cependant, un repas est constitué de plusieurs aliments et ingrédients mélangés ensuite dans l’estomac et il est difficile de prédire l’index glycémique d’un repas entier en partant de l’index glycémique de chaque aliment pris séparément. Le contenu en lipides (graisses) du repas influence également le temps que les aliments passent dans l’estomac avant d’être absorbés et va modifier grandement l’index glycémique des aliments glucidiques. Par exemple, un morceau de pain blanc aura un effet hyperglycémiant plus important que le même morceau recouvert d’une noix de beurre. Cette notion d’index glycémique est donc difficilement utilisable en pratique quotidienne.

Il faut cependant retenir que les recommandations alimentaires actuelles encouragent d’augmenter la consommation régulière de céréales peu raffinées et de légumineuses et de réduire les produits au goût sucré (tout en conservant les fruits) pour réduire l’effet hyperglycémiant du repas que l’on soit diabétique ou non.

Influence du contenu en graisse du repas

Pour une même quantité de glucides, les repas gras (à base de fromage fondu ou de friture par exemple) auront un effet hyperglycémiant plus prononcé et plus prolongé, la phase d’hyperglycémie postprandiale pouvant durer plus de 6 heures, et parfois toute la nuit pour les repas du soir.

Les patients qui s’injectent de l’insuline rapide aux repas l’ont souvent constaté. Ils peuvent majorer la dose d’insuline rapide du repas en général de 20 à 40 %, et pour les patients sous pompe, il peut être utile d’avoir recours à la fonction « bolus duo » ou « bolus combiné » qui permet d’injecter une première partie du bolus immédiatement puis une deuxième sur 2 à 3 heures afin de mieux couvrir l’hyperglycémie postprandiale prolongée du repas gras. Ils peuvent également mettre un débit basal temporaire plus élevé de 20 à 40% pendant quelques heures.

Les patients sous injection pourront facilement réinjecter de l’insuline 2 à 3 heures après le premier bolus à une dose plus élevée que ne le voudrait la glycémie mesurée.

Influence de l’activité physique postprandiale

L’effet hypoglycémiant de l’activité physique est bien connu des personnes diabétiques et peut être facilement constaté si l’on utilise un système de MCG. L’activité physique dans la période postprandiale est capable de réduire l’hyperglycémie dans cette période et constitue un excellent moyen thérapeutique, à condition de prendre en considération le risque hypoglycémique, important chez les patients qui s’injectent de l’insuline au moment des repas. Il convient dans ce cas d’anticiper l’activité physique et de réduire la dose d’insuline de 50 à 80 % suivant l’intensité et la durée de l’activité prévue dans la période des 3 heures qui suivent le repas.

Influence du timing de l’injection de l’insuline prandiale

Les insulines rapides passent dans le sang très rapidement mais l’effet hypoglycémiant ne commence au mieux qu’après 15 minutes, alors que la glycémie s’élève plus rapidement dès l’absorption de glucides. Il en résulte que, même si l’injection est faite en tout début de repas, le délai d’action de l’insuline fait qu’il existe un pic glycémique inévitable à 30 minutes, généralement autour de 2 g/L, même si la dose d’insuline est bien adaptée. Un pic plus bas peut même être prédictif d’une hypoglycémie à 2 heures. En considérant ce fait, il est déconseillé de réaliser l’injection d’insuline rapide après le début du repas, car l’action de celle-ci sera retardée d’une heure par rapport à la montée glycémique et il ne sera pas étonnant d’observer un pic glycémique à plus de 3 g/L. La réalisation de l’injection en début de repas est parfois problématique pour les personnes qui ne connaissent pas encore la quantité de glucides qu’elles vont finalement ingérer. Le raisonnement de faire la dose adaptée aux glucides après le repas n’est cependant pas gagnant sur le pic prandial. Il est plus efficace d’injecter en début de repas une dose correspondant à la quantité minimale de glucides qui seront ingérés, quitte à compléter en cours de repas si la dose sévère insuffisante.

Dans certaines situations où le contrôle glycémique est très exigeant, comme la grossesse, il est possible de réaliser l’injection 15 minutes avant le début du repas afin de réduire au maximum le pic prandial. Cette attitude est largement aidée aujourd’hui par l’utilisation de la MCG qui permet au patient de contrôler fréquemment en préprandial et de réduire la crainte d’une hypoglycémie. Il est aussi possible de conseiller de faire l’injection 15 minutes avant le repas uniquement si la glycémie est déjà élevée afin d’éviter une majoration au moment du repas. Mais cette option sous-entend que le patient doive contrôler sa glycémie 15 minutes avant le début du repas.

Conclusion

La glycémie postprandiale participe beaucoup à l’équilibre glycémique, particulièrement chez les patients bien équilibrés et également au risque d’évènement cardiovasculaire. De nombreux facteurs influencent l’équilibre postprandial, mais l’alimentation reste le principal facteur déterminant, par son contenu en glucides mais également en lipides. Les mesures diététiques sont particulièrement efficaces, mais peuvent être soutenues par l’activité physique ou les traitements. Chez les personnes utilisant de l’insuline rapide, le délai d’injection par rapport au début du repas est capital pour un bon contrôle post-prandial.

1.    Définition de l’OMS.
2.    American Diabetes Association. Glycemic targets: standards of medical care in diabetes -2018. Diabetes Care 2018 jan;41(Supplement 1):S55-S64
3.    Programme National Nutrition Santé